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HIC RHODUS, HIC SALTA. Comme beaucoup de locutions latines ou grecques reçues de l’Antiquité — de « nature aime se cacher », magistralement étudiée par Pierre Hadot, à vox clamans ou clamantis in deserto — la formule donne lieu à tous les contresens : bon latiniste depuis sa jeunesse malgré des fautes d’inattention vite épinglées par ses professeurs de Trêves[1], Marx, dans Le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte, la rend par « voici la rose, dansez »[2] : ce faisant, il ne fait que reprendre la curieuse traduction de Hegel en forme de contresens volontaire : dans sa préface aux Principes de la philosophie du droit, en effet, il cite le proverbe en grec Idou Rhodos, idou kai to pêdêma, « feint » de croire que rhodos signifie « rose »[3] , ce qui est vrai, et traduit « Ici est la rose, ici il faut danser ». De Hegel à Marx, on remarquera néanmoins que Marx « traduit » du latin quand Hegel part du grec avant de passer au latin.
[1] Voir Wilfried Stroh, Le Latin est mort, vive le latin !, trad. S. Bluntz, Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. 227-228.