POÈMES. TADEUSZ DABROWSKI

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L’otage

J’ai perdu douze amours amours que je n’ai jamais eus
et tous les douze
je les ai misés sur toi
mais j’ai perdu
et maintenant
je vais devoir emprunter

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Proximité (carte postale)

Debout sur la grève il fixe l’horizon de la mer.
Il aimerait être marin attendre longtemps dans le froid
de la rade à l’entrée d’un port chaud.

Étendue sur le sable elle semble embrasser plus du regard.
Elle aimerait vivre dans une chaude ville portuaire.
Il reste au bord, elle au fond de la plage.

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L’amour (en nombres)

Voilà : ensemble
ils ne sont plus que la moitié
de ce qu’ils sont
séparément.

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Un sms non envoyé à une copine grippée

Je fume planté devant la noire vitrine de la nuit
et ce que je connais de moi n’est plus
que ce que j’aspire. Une fois de plus la métaphore de la
    vie
éclaire et dépasse la vie elle-même. Parce que

c’est ce qu’elle est sans toi.

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Blanchiment d’argent sale

Le distributeur de café me rend sept zlotys,
ça fait sept zlotys de trop. À qui est-il
cet argent ? — J’hésite à l’accepter car cet argent peut 
   provenir :

a — de Satan, b — de Dieu, c — du Distributeur.
Derrière moi il y a déjà plusieurs personnes lesquelles
n’hésiteront pas. Je décide de rendre ce qui n’est pas à moi,
je remets à regret les pièces dans le trou, mais
elles retombent, on dirait les mêmes et pourtant
autres. Car de celles-ci je sais qu’elles viennent de
    Dieu.

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Papa l’ours

Affamé, il se méfie pourtant
alors il fait semblant de jouer avec le journal
qu’il lance comme il ferait d’un gros poisson.