UNE ASCENSION AU MONT BLANC

Présentation.

On ne sait peu de choses d’Edmund Thomas Coleman. Rien, en ce peu de choses, qui ne s’accorde étrangement avec la maigre for-tune qu’a connue son livre, Scenes from the Snow-Fields, malgré son évidente beauté.

Coleman est né en 1824. Il arrive que des notices le décrivent comme « one of the pioneers of Alpine painting » ; c’est donc un artiste avant tout. Mais cette vocation n’a pas suffi à sa postérité : amoureux de nature et de montagne, et délicat « amateur » en toutes choses, il ne sou-haitait pas poser en alpiniste ardent et chevronné, pas plus qu’en peintre éperdument lié à son art. Voilà dans ces milieux un tort impar-donnable. Sa qualité de membre fondateur de l’Alpine Club ne l’a pas protégé non plus de l’oubli d’un monde où pulluleraient les récits d’« exploits » les plus pauvres et les plus consternants. La situation, du reste, a peu changé ; la littérature alpine (et non l’alpestre) est toujours aussi pauvre et aussi consternante. Quant à la peinture de Coleman, elle n’a pas contribué à soutenir sa mémoire, et c’est injuste — car il n’est pas si simple de peindre la montagne, et lui la peint très bien. On le bou-dait, en somme, des deux côtés.

Est-ce la raison pour laquelle il en a choisi un troisième, traversant un océan et un continent pour s’établir en Colombie Britannique, où il fit à Victoria office de bibliothécaire ? Un bibliothécaire ingambe et très actif, comme en témoignent des livres ultérieurs, Mountaineering on the Pacific tout d’abord, Puget Sound and the Northern Pacific Railroad et Moutains and Mountaineering in the Far West ensuite. L’association des lieux et des livres ! Pétrarque se penchant sur des cartes vaporeuses, des manuscrits de Tite-Live parlant du mont Hémus, des textes approximatifs (comment faire autrement ?) rêvant de l’ultima Thulé — cette association, Pétrarque nous l’avait apprise. À moins, pas de raison, pas de saveur. Mais enfin, donc, pour Coleman les liens avec Londres se distendent sans se rompre pour autant : les collaborations à l’Alpine Journal sont nombreuses. Reste qu’à sa mort, en 1892, on ne trouve dans cette revue aucune notice nécrologique le concernant. Ingratitude des snobs et des techniciens. Et je consulte par exemple (à tout hasard) le Tableau littéraire du Massif du Mont-Blanc, de Claire-Éliane Engel et Charles Vallot (l’auteur des guides, quelle mer-veille ! avec derrière lui un nom accroché au vent de l’Arête des Bosses, à 4400 mètres… une manière de botanique minérale, si l’on peut dire) : eh bien, rien du tout dans le chapitre sur la littérature anglaise. Dommage, notre peintre-alpiniste fût entré dans l’index entre Colbert et Coleridge. C’est assez beau, cette aurea mediocritas choyée jusqu’au bout.

 


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