IL y a un Ghetto dans notre ville. Personne parmi nous n’y a jamais mis les pieds. Personne ne sait exacte-ment où il est. On connaît son existence, on ne la remet pas en cause, mais on n’a jamais vérifié, jamais cherché. Le Ghetto est une affaire qui relève des Autori-tés, et non des citoyens privés. Ils doivent vivre leur vie tranquillement, sans se préoccuper des conditions qui la permettent. Que parmi ces conditions, il y ait le Ghetto, nous le savons tous. Mais pourquoi il est une condition de notre bien-être, et comment, la question ne nous regarde pas.
Si un voyageur étranger nous demandait ce qu’est le Ghetto, nous aurions même du mal à lui répondre. Le Ghetto est une de ces choses dont nous savons parfaite-ment ce qu’elles sont, parce qu’elles ont toujours fait par-tie de notre vie, mais que nous ne saurions ni décrire, ni définir. En somme, nous savons ce qu’elles sont jusqu’à ce qu’on nous demande de nous expliquer, comme dans d’autres situations qu’un grand philosophe a éclairées avec un sourire malicieux en voulant à tout prix démon-trer que nous ignorons tout ce que nous savons. C’est incroyable comme certaines personnes réussissent à vous prendre au piège ! Elles trouvent un ou deux cas qu’elles arrangent à leur guise, et à partir de là, elles vous construisent tout un échafaudage de théories auxquelles l’humanité entière devrait se soumettre. Elles parlent, elles parlent (le plus souvent sans rien dire de concret), et ce qu’elles veulent en réalité, c’est vous faire vaciller, vous enlever peu à peu toutes vos certitudes, vous mettre dans l’embarras, jusqu’à vous faire honte, presque, comme si elles vous laissaient en slip au beau milieu de la route.