LA PIPE QUI PRIE ET FUME. Journal des Vernys.

19 août.

Par la fente des volets et la porte à demi ouverte, le petit jour…

Dans la pénombre, les rideaux de la fenêtre qui blan-chissent m’éveillent. Les parois de sapin s’éclairent.

L’écriture qui revient ?

Après avoir disparu comme on souffle une bougie…

Elle s’était arrêtée, elle s’est arrêtée.

Comme on remonte une horloge, d’année en année je regagne les Vernys, cette île défoncée, délivrée dansles vernes, une escale de chats sauvages. L’Éternel est un Chat sauvage (ah ! grâce à nos défauts, nos qualités agrippent le plus tendre…). Je désirais ce vallon sans bruit, sans route. Je le craignais presque. Les allées et venues pratiques embrouillent mon corps et mon esprit. La vieillesse signifie éboulement dans la mémoire et durcissement des services. Les os se cassent, les senti-ments pourrissent. Oui, nos défauts s’accusent, tonifiés par nos qualités mêmes. Exister nous tue. Se glacent les pieds infatigables, tout ce qui tremble, tout ce qui res-semble à une goutte de sang, comme le veut l’Éternel, se fige.

Je devine en moi la grande usure. La vie est noire et belle et une louange la plus grande attend en nous.

L’Éternel est aux aguets.