Prologue.
LA définition de « classique », comme celle de « maître », fait toujours naître quelque inquiétude. On a tendance, en Ita-lie, à promouvoir les morts au rang de maîtres, on y regrette en chœur les maîtres du passé — un regret sur lequel je me suis penché dans mon dernier livre2. D’abord, la dénomination de « maître » ne me convainc pas, et puis je n’ai pas envie de partager ce regret. Des maîtres, j’en ai connu : j’ai grandi à l’école d’Ances-chi, et j’ai eu avec lui des rencontres, des rapports parfois très durs. On apprenait beaucoup, c’est sûr, mais cette auréole de sain-teté, cette perfection absolue qu’on attribue aux maîtres n’ont rien à voir avec mon expérience : c’est peut-être que le silencieux désespoir du comique m’empêchait de donner à des valeurs et à des personnes une adhésion aussi emphatique, aussi enthousiaste et aussi peu critique. Nous devons avoir un regard plus mobile, plus réaliste, plus attentif. Les dettes peuvent être considérables : personnellement, je dois à Anceschi son idée de critique et de lit-térature comme continuum incessant ; je lui dois aussi des colères mémorables, que je subissais avec Balestrini, Porta, Giuliani, Guglielmi.