Paradoxe de la poésie, et défi du lyrisme le plus simple en même temps que le plus savant : dans la brièveté de ces quelques poèmes ciselés se déploie cette respiration ample et large où la mer, les fleuves et les vents sont sans cesse invités à traverser notre mémoire. Par cette manière incarnée de situer son propre sentiment d’exil, un seul dit l’attachement de tous à ce qui fait le fond des existences.
Après avoir étudié la médecine pendant quatre ans et s’être diplômé en Sciences de l’Éducation, Alejandro Oliveros (né au Venezuela en 1948) décide se consacrer à la littérature et la poésie. En 1971, il fonde la revue Poesia, et Torrida, le magazine culturel de l’Université de Carabobo. Parallèlement, il enseigne à l’École des Beaux-Arts. Il publie Espaces, son premier recueil de poésies, en 1974. De 1976 à 1978, il prend à Caracas la direction littéraire du Conseil National de la Culture, avant de travailler à un ouvrage sur la poésie américaine à New York, au titre d’une bourse de la Fondation Guggenheim. Il revient dans son pays où il devient titulaire de la Chaire de Littérature Anglaise et Américaine à l’Université Centrale du Venezuela. Il publie de nombreux livres (poésie, essais, traductions), ainsi que treize volumes de son Journal littéraire , édités d’abord dans son pays, puis en Colombie. Mais la profonde crise politique au Venezuela a considérablement limité l’espace d’exercice de la littérature et la liberté de l’enseignement. Alejandro Oliveros réside à Milan depuis 2020.
Collection Poésie, traduit de l’espagnol par Idoli Castro - édition bilingue
Bien avant la terre
nous perdîmes le ciel
des tropiques natals,
sa lumière incessante
sans le gel d’hiver,
ses nuages sans froid
ni ombres. Et ce bleu protecteur
sur les mangues,
les bucarés et les roseaux.
Perdues aussi, les nuits amicales
des tropiques
et la brise sur la lande ;
perdus le sel de la mer,
les étoiles du chemin
qui apprirent nos noms
et nos voyelles,
les sons coutumiers
du grillon et du jaguar.
Quand tu fermeras la porte
et les croisées
pour t’avancer
sur des sentiers inconnus,
regarde le ciel que tu perds:
en lui demeurent tes gestes,
les traits et les rêves
premiers.
Au-delà, les neiges
et la violence du vent.