Qui de nous n’a eu sa terre promise, son
jour d’extase, et sa fin en exil.
Henri-Frédéric Amiel,
Fragments d’un journal intime (1882).
I.
J’aimerais commencer en citant un texte qui illustre le thème de cette conférence1. Le passage auquel je songe est tiré du pre-mier livre du De Doctrina Christiana d’Augustin ; l’évêque d’Hip-pone y parle de voyageurs au cours de leur périple :
Si nous étions des voyageurs (peregrini) qui ne peuvent vivre heureux que dans leur patrie (patria), désireux de la rejoindre pour mettre fin aux misères qui nous accablent dans les jours d’exil, nous userions sans doute des véhicules nécessaires pour nous transporter par terre ou par mer dans cette patrie dont nous vou-drions jouir ; mais si, nous laissant captiver par les agréments du voyage ou par les charmes mêmes du transport, nous ne cher-chions qu’à jouir de ce dont il fallait simplement user, entraînés par un plaisir funeste, nous ne voudrions plus de terme à ce loin-tain voyage et nous nous éloignerions de la patrie (alienaremur a patria) qui devait nous rendre heureux (beatos).2