DANS L’ABBAYE

L’ŒIL bleu de mon oncle me fixe. Je suis un étudiant errant avec des séjours à l’armée. Nous sommes face à face, chacun le dos appuyé à une poutre, à nos pieds une petite bonbonne d’eau-de-vie montée de ses vignes non loin d’une voûte de châtaigniers avec un fil d’ombre, qui me semble se glisser sous le toit aussi obscur de l’Abbaye.

L’éternité se passe dans une gare…

La bouche du Président, de l’Oncle du pays s’éclaircit, s’ouvre, mâche, jette : « Qu’est-ce qu’une vie ? Les Arabes disent : une maison, un fils, un livre. »

*

J’arrive, j’arrive ! c’est un cri vers le ciel.

Des lettres aujourd’hui se cachent dans quelques cartons, des vagues de papier attendent la marée. J’ai lu un ultime message : une arrière-petite-fille a jailli comme paraît-il César, le jour des Rois mages, deux arrières-petits-fils sourient déjà… entre la neige et la mer au Chili.

Un fils a déboulé sur le plancher ici même. Deux autres vivants ont surgi sur la route, le long du Rhône.

On porte en soi une foule et on porte en soi le désert.

Et qu’est-ce que le désert ? Les bédouins, les anachorètes l’ont crié : « C’est Dieu sans les hommes ». Ensuite comme vers une source, sans qu’il y ait le moindre avis, les pèlerins surgissent de partout.Telle une famille… vers celui qui attend.

Qui a peur. Les écritures sont les traces de quelqu’un qui s’enfuit sur place et est partout en même temps, comme le gibier.

J’ai écrit des livres, j’ai écrit des enfants !

Pourquoi ?

Qui a peur. Les écritures sont les traces de quelqu’un qui s’enfuit sur place et est partout en même temps, comme le gibier.

J’ai écrit des livres, j’ai écrit des enfants !

Pourquoi ?