Du travail / Pourquoi on est graveur et pas autre chose.
Ni désuète, ni fanée, la gravure est ce qu’on en fait. La
gravure de Jean Nazelle est un poème sans titre aux cent
sous-titres, un répertoire du temps qui court, un manifeste
du faire, une prière de mécréant. À l’atelier, semaine
après semaine on grave et gratte le métal, on essuie les
plaques et les mains, on pousse la roue de la presse, on
regarde, on reprend. On y va.
C’est dans l’exercice de cette discipline joyeuse et
rigoureusement consentie que s’est constitué depuis
vingt ans un oeuvre riche et libre. Inspiré, au sens le plus
organique du terme : nécessaire comme la respiration.
Car pour Jean Nazelle et depuis toujours, travailler
comme un fou c’est vivre sagement. À la fois artiste et
praticien, il a trouvé dans la gravure la combinaison parfaite
entre la règle du jeu imposée par la technique et sa
propre liberté qui l’enjoint à la défier sans aucun remord.
Pour inscrire, en brouillant les pistes sous le poids écrasant
de la presse, la part la plus sensible de sa vie, son
souffle.
Du plaisir / Ce qu’on a à dire.
Ce travail — nécessaire au-delà des contraintes qui lui
sont liées, des résistances de la matière, des ombres sans
doute — est un acte largement lié au plaisir. Seul avec
soi-même et ayant évacué l’intention de paraître ailleurs,
plus qu’indifférent à la logique d’un style qui conduirait
en droite ligne d’une série à une autre, Jean Nazelle procède
par vagues de cycles intimes. Se revendiquant dans
le constat de ses propres contradictions et stimulé par
des plans secrets, il invite la gravure à le suivre en
conquête.
Ainsi un matin, un questionnement lancinant le
pousse à faire disparaître le motif, il recouvre ce qui précède
jusqu’à éteindre tous les feux. Une promenade plus
tard, la lumière revient, l’eau trouve le ciel, ils sont
liquides. Un jour de grand jaune qui ressemble à l’été,
l’espace flambe. Quelques cendres plus tard et ce sont
des petits riens mouchetés, des griffures, les traces de
l’usure des choses. Presque rien sur blanc jusqu’à ce que
des centaines de bulles pétillent et bouillonnent dans les
ruisseaux du printemps nouveau. Là un axe resurgira…
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