Traduit de l’anglais par Patrick Reumaux.
Dessins de Noël Tuot.
Des poèmes de Stevenson, il existe une édition « savante », celle de
Janet Adam Smith (1950) et des éditions surréalistes aux noms évocateurs,
celle de la Société des Bibliophiles de Boston (1916), ou la « Vailima
Edition » (1922) ou encore la « Tusitala Edition » (1923), mêlant, pour les
poèmes retrouvés après sa mort, les vers que Stevenson avait écrits dans
ses carnets et les commentaires qu’il en avait fait au crayon, dans les
marges : à peine convenable ou très mauvais ou vraiment nul,
comme s’ils faisaient partie intégrante du poème, ce qui confère à ces
textes (de jeunesse pour la plupart) un caractère à la fois absurde et
hallucinatoire : le doigt de l’auteur, surgi de la tombe, apparaît dans la
marge ou souligne les vers d’un trait de sang pour en interdire la lecture.
Des vers de jeunesse… l’enfance de Stevenson est marquée au fer de
la nuit, du vent, du noir, des bourrasques qui terrifient. À trois ans, il
veut que les moutons et les vaches lisent la Bible. Sa nourrice, Cummy,
lui parle des flammes de l’enfer brûlant dans la cheminée. Les ombres
dans les coins sont des démons qui se tordent. Le noir avance, recule,
chuchote, crie, hurle autour des draps.
— Ecoutez !
— Le vent ?
— Non, pas le vent. Ou le vent si vous voulez. Mais le cavalier…
viendra-t-il ?… Le voilà…
Ah, c’était différent alors,
Quand j’avais l’impression d’entendre passer
La tempête comme si un cavalier enveloppé dans son manteau
Se courbait sur la selle,
Passer et revenir, et revenir encore …
Passer et revenir, passer et revenir. Mouvement pendulaire, onanisme
nocturne. Le soir, compter ses péchés. Les recompter, le coeur dans
la gorge. Seule une poignée de justes sera sauvée. Tous les autres rôti
-ront. Où voyez-vous des péchés ? Partout. Dans les flammes, les ombres,
les draps. Tout ce qui rôde dans la chair est péché. La vieille Cummy
veille au grain. Menace, tempête. L’enfant a peur. L’adolescent ?