I.
NOUS SOMMES DE PLUS EN PLUS ASSAILLIS D’IMAGES, c’est entendu. Mais ne faut-il pas reconnaître que tout est image, et que la tâche urgente serait de comprendre pourquoi, et de chercher comment l’image peut devenir une voie de salut et non de perte ?
Dans la rue, les images publicitaires, sur les panneaux, les vitrines, les façades, les véhicules, nous importunent dans un silence criard. Au Louvre, ce sont peintures et sculptures et d’autres images façonnées et fascinantes qui nous poursuivent, en se multipliant à perte de vue. À l’intérieur du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, où les œuvres sont espacées et les fenêtres pleines d’attraits, nous avons le loisir de constater que les salles, rectangulaires et parfois circulaires, sont également des images (de la proportion, de la droiture, de la figure parfaite), et de remarquer les visiteurs. Je vois des jeunes femmes qui passent devant des portraits par Modigliani, et les mots jeunes et femmes font d’elles autre chose que des formes et des couleurs qui paraissent dans le visible et se meuvent dans l’espace. Je les imagine peintes, sculptées, gravées, et je me rappelle que Garry Winogrand déclara : « I photograph to find out what something will look like photographed » (je photographie quelque chose pour découvrir comment ce sera en photo).