CRÉER UNE MÉDECINE DURABLE

 

(Traduit de l’anglais [États-Unis] par Anne-Laure Boch.)



TOUT RÊVE DOIT AVOIR UNE FIN, même — sans doute surtout — celui de la médecine moderne [1]. Les rêves que nous faisons en dormant prennent fin à notre réveil. Ils ont disparu, que nous le voulions ou non. Il n’en va pas de même des fantasmes que nous imaginons à l’état de veille. Dans la mesure où ils promettent une vie meilleure, un monde plus parfait, on ne les abandonne pas facilement. Le rêve de la médecine moderne — que la vie, la mort et la maladie puissent être dominées et adoucies par la science — est un de ceux auxquels on a le plus de mal à renoncer. Il nous tient depuis au moins deux cents ans, et il a été remarquablement accompli à bien des égards. Il a sauvé des vies, éradiqué de nombreuses maladies et soulagé bien des souffrances. Il a été alimenté par la conviction apparemment raisonnable que, si nous nous armons contre une nature hostile, nous pouvons vaincre nos anciens ennemis — le malaise, le handicap et la maladie.

L’accomplissement de ce rêve, dit-on, ne demande que zèle et application dans la science, sage patience,beaucoup de crédits pour la recherche, et soutien de l’état. Puisque aucun d’entre nous n’aspire à la maladie et à la mort, en tant que citoyen il nous est difficile de ne pas soutenir un rêve qui va tellement dans le sens de nos propres intérêts. Intérêts qui ont été grandement servis par les bienfaits de la science.


[1]1 Extrait de Daniel Callahan, False Hopes: Overcoming the Obstacles to a Sustainable, Affordable Medicine, New Brunswick, Rutgers University Press, 1999, pp. 25-45.