IL SEMBLE QUE CE SOIT UNE LOI DE L’ÉVOLUTION DE L’ART QUE, pour s’exprimer, l’esprit concentre d’abord son effort sur des questions techniques de détails, puis sur certaines abstrac- tions ou théories — mécaniques dans la majeure partie, ce que l’époque justifie — et enfin sur une renonciation à celles-ci, ce qui implique un lent et beau mélange de toutes les facultés avec les plus subtiles manifestations de l’émotion. En d’autres termes, cette évolution met en évidence, au début de son rythme, l’intention objective et, dans la maturité, l’intention subjective.
Cet ordre de la progression, tout bien considéré, est probable- ment le plus consistant avec la tendance des facultés normales. Par facultés normales, j’entends la force et la pénétration moyennes, exemptes de tout défaut héréditaire sérieux, de tout biais morbide, et soumises à des conditions éducatives ordinaires.
Je ne considérerai pas directement à cet endroit de rapport à la loi de l’évolution telle que la manifestent les œuvres des rares grands maîtres, et qui diffère profondément de celle que j’ai indiquée ; car les potentialités de l’art de ces derniers sont nées avec eux et prophétisent, dès la première jeunesse, la destinée de leur couronnement.
Je procéderai plutôt en posant que, de tout temps, les œuvres d’art ont été dans leur plus grand nombre les produits d’une médiocrité cultivée — médiocrité, lorsque la dextérité technique vise à compenser, dans la mesure du possible, le manque de motif pulsionnel ; que l’habileté et une mentalité oblique usurpent la place d’une vie psychique absente ; en conséquence, que des mots sont acceptés à la place de choses, et des choses à la place de sens — dans cette phase de la culture qu’on peut appeler, en bref, comédie de l’art.