La réforme universitaire


QUE LES RÉFORMES soient l’expression la plus typique de l’esprit conservateur, voilà qui tient désormais (1) du dicton . Le « besoin que tout change pour que tout reste identique » du marquis de Lampedusa renferme une vérité profonde : c’est que la révolution ne peut être faite par l’ancien régime*, parce cela ne pourrait que remuer (et le ferait volontiers) la marmite sociale en veillant bien à ce qu’aucune goutte ne déborde et ne se perde. La révolution — il ne faut pas qu’elle soit bruyante ni sanglante : je me méfie de ces révolutions — est l’avènement d’une idée, ou, si nous voulons être plus solennels, le retour périodique de l’esprit sur la terre. L’esprit est le Dieu caché de l’Évangile : rien n’est plus sûr, rien n’est plus sujet à éclipses. Mais quand il revient — et, malgré nous, nous lui offrons toujours des occasions de revenir —, les réformes sont déjà faites, parce qu’elles sont Lui-même, elles sont précisément cette idée. Nous, avec nos structures juridiques, nous les traduirons en lois et en faits, mais c’est cette idée qui guidera notre main. L’ancien régime, qui n’est finalement que le vieil homme, n’aura rien à remuer. La louche lui sera tombée des mains. 

Voilà pourquoi moi qui suis, comme on doit l’être, incurablement optimiste quand il s’agit de l’esprit, je considère avec scepticisme ce grand chaudron à réformes que semble devenue aujourd’hui l’Italie. Il n’y a pas un recoin, pas une soupente qu’on ne veuille réformer : on répète « réformer, réformer », au sens absolu, sans complément d’objet, tout comme on conteste pour contester. C’est le symptôme le plus évident du remplacement de la réforme par le tapage, qui n’a jamais rien réformé. 

L’école, la grande malade de toutes les époques de transition, n’est évidemment pas restée étrangère à ce destin. On a commencé par des violences d’origine douteuse ou plutôt ne faisant aucun doute, qui ont mystérieusement (pas tant que ça) cessé pour donner lieu aux projets législatifs en cours de discussion. Seront-ils approuvés ? Ne le seront-ils pas ? Peu importe, quand on regarde les choses de haut, et que l’on comprend qu’au fond il s’agit de laisser les choses en l’état : tant il est vrai que ce qui intéresse tout le monde, c’est exclusivement les «normes dites transitoires», c’est-à-dire celles qui permettront à ceux qui en ont envie d’entrer en masse dans le corps des enseignants, sans avoir à subir l’ennui des concours.

1 Titre original : « La riforma universitaria », dans Salvatore Satta, Quaderni del diritto e del processo civile, VI, Milan, Giuffrè, 1973, pp. 119-121.