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La destruction du cimetière juif de Thessalonique
à la lumière de sources nouvelles 1.
TROIS MOIS avant le début de la déportation des Juifs de Thessalonique en mars 1943, survint un événement rare au cours de l’occupation nazie en Europe : la destruction de l’ancien et vaste cimetière juif de Thessalonique. Pour les cimetières juifs, les nazis n’avaient pas de politique bien définie. Comme le remarquent Carla Hesse et Thomas Laqueur, « en général les nazis ne se déchaînaient pas systématiquement sur les ossements ou les monuments funéraires. Tous les cimetières juifs importants d’Europe — sauf celui de Thessalonique — sont restés plus ou moins intacts après l’Holocauste. Y compris ceux situés au cœur du national-socialisme 2. »
Et d’ailleurs tous les autres cimetières juifs de Grèce ont survécu à la guerre.
Le vieux cimetière juif de Thessalonique était sans doute la plus grande nécropole juive d’Europe, comptant près de 500 000 tombes et couvrant une surface de 350 000 mètres carrés — puissant symbole des siècles de la présence juive dans cette ville. Initialement hors les murs, l’emplacement du cimetière devint progressivement central à mesure que la ville s’élargissait vers l’est. Sa vaste étendue contrariait le développement des transports, et certains résidents se plaignaient des activités illégales et immorales qui s’y déroulaient aux heures tardives.
À partir de 1925, différents projets urbains visèrent à aménager le secteur en parc, et plus tard à y édifier le campus principal de l’Université Aristote de Thessalonique, tout en déplaçant le cimetière hors des limites de la ville. Ce sujet créa beaucoup de frictions entre les autorités de la ville et une communauté juive de 50 000 personnes (sur 250 000 résidents), mais, à coup d’arguments religieux et politiques, celle-ci parvint à prolonger le débat 3.