Recension de l'ouvrage "Quinze voyages de Varsovie à Londres 1940-1945" sur le site visuelimage.com

Quinze voyages de Varsovie à Londres 1940-1945Quinze voyages de Varsovie à Londres 1940-1945, Jasia Reichardt, traduit de l'anglais par Aude de Saint-Loup, Editions de la revue Conférence, 200 p.,25 euro

Jasia Reichardt a été, entre autres choses, vice-directrice de l'I. C. A., puis directrice de la Whitechapel Gallery et a écrit des livres sur les robots. Entre mille autres choses. Mais s'est éveillée en elle une passion pour les archives, en particulier celles de sa tante, Franciszka Themerson, peintre et illustrateur de grand talent encore trop mal connu même si les expositions de son oeuvre commencent à se multiplier et de son mari, Stefan Themerson, écrivain et éditeur. Aujourd'hui que l'historien d'art et dessinateur Nick Wadley, qui a partagé une partie importante de sa vie, n'est plus, elle s'est mise à ce travail de mémoire essentiel qu'est l'archivage de son oeuvre. En 2012, elle a décidé d'écrire une sorte de biographie. Je dis « une sorte » car elle ne retient que les années de la dernière guerre mondiale. Mais elle évoque aussi l'histoire familiale et remonte donc dans le temps. Son histoire commence Varsovie. Elle fait une description très divertissante et originale de l'appartement de ses parents. Son père était architecte, sa mère enseignait le piano et dessinait aussi. Contrairement à ce que le titre indique, son récit commence en 1939, quand l'Allemagne attaque la Pologne. Elle fait le récit de cette période tragique surtout à travers les lettres échangées par ses divers parents. Bien sûr, pas question pour eux de parler ouvertement de ce qui se passe vraiment à Varsovie. Le port de l'étoile jaune dès la fin 1939, le transfert dans le ghetto en octobre 1941, sa fermeture un mois plus tard. On comprend que les besoins matériels, surtout la nourriture, deviennent la question essentielle d'alors. Elle apprend le français et aussi à dessiner ; sa mère fait la classe pour un petit groupe d'enfants. Franciszka Themerson qui a rejoint le gouvernement polonais en exil à Londres, continue à envoyer des colis, malgré l'interdiction du gouvernement anglais. L'enfant qu'elle est alors ne comprend pas vraiment ce qui se passe. Ses parents ont tout fait pour qu'elle ignore la vérité effroyable de ce qui se jouait dans ce microcosme urbain surpeuplé. Mais la terrible réalité s'est révélée en 1942 quand ont commencé les premières déportations. Au mois de juin 1942, elle quitte le petit ghetto en ambulance. Elle se retrouve à Otwock, un hôpital psychiatrique transformé en ghetto. Là, c'est sa grand-mère qui l'accueille et lui apprend les rudiments de la religion catholique. Elle ne sait pas que le petit ghetto allait être liquidité et ses habitants expédiés à Treblinka. Peu après son départ, les prisonniers d'Otwock sont exécutés ou déportés eux aussi à Treblinka. Elle est hébergée par des personnes dont elle ne se souvient plus le nom. Elle est même retourné Varsovie plusieurs fois et a été hébergée par des amis de ses proches. Après quoi, elle finit dans un couvent à Otwock ! Elle y est baptisée et s'appelle désormais Maria Janina Teresa Ceglowska. Elle fait sa première communion et puis est ramenée à Varsovie dans un dispensaire, où elle est soignée. A la fin de la guerre elle est recueillie par une tante et part à Londres en 1946 pour vivre dix ans chez Franka et Stefek Themerson... Cette drôle d'histoire, qu'elle raconte avec légèreté, comme elle l'a vécue enfant, est celle d'un miracle au coeur d'une tragédie sans nom. 

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