Qui commande ?

DANS TEL OU TEL CONTEXTE, en telle ou telle situation ou cas, répondre à la question « qui commande ? » est chose ordinairement aisée. Presque toujours, une réponse peut facilement être avancée, et soutenue, pourvu qu’on se contente d’une investigation qu’on dira positive, pourvu qu’on s’en tienne aux faits, ou à ce qu’on appelle ainsi. On demande à voir les responsables, qui commandent. Nombreuses sont alors les personnes ou instances qui ne manqueront pas de se présenter et de prétendre à endosser ce rôle, confortées à leur place selon une évidence parfaitement obvie.  Il n’en va pas de même si, allant un peu au delà du visible, la question prétend s’inscrire dans une certaine radicalité. Ce genre de transgression s’autorise ici d’une rhétorique convenue,mais redoutable : comme Marx qui demandait « qui éduque les éducateurs ? », ou Canguilhem qui demandait «qui oriente les orienteurs ?», il paraît urgent de demander « qui commande aux commandeurs — ou aux commandants ?». La demande est convenue certes, mais elle est néanmoins assez radicale, et en cela subversive, pour que la réponse, insaisissable, se dérobe aussitôt, et paraisse inéluctablement hors d’atteinte.