Haddock sive C. C

Tibi

LA PUISSANCE ET LA SUBTILITÉ : quelque chose d’un bûcheron jurassien, d’un ours préférant largement le lard au saumon et ne refusant pas de l’agrémenter, dès dix heures du matin, d’un solide Morgon. Dort peu, se lève tôt, démarre et poursuit au café fort, fume des arrache-gueule plus tordus que ceux de Lacan, soulève les cartons de bouquins comme un costaud des Halles, soutient une poutre, n’ignore rien du placoplâtre, de ses vis et de son ponçage, tout en se remémorant telle période du De Divinis, une sentence de Pétrarque ou la date précise de la première lettre de Satta à Capograssi. Se trouve du coup, en raison des deux activités physicomentales susdites, en fréquent décalage avec les petits marquis soucieux de leur plan de carrière et de la catachrèse chez Bougui Boulga, poète underground à découvrir subito ! Quant à ceux, quant à la-légion-des-jamaisabonnés-ordonnant-d’être-publiés, tous ceux qui se sont enquis du secrétariat de la Revue et n’ont jamais pu croire, eu égard à sa beauté, qu’elle ne relevât que du plus strict bénévolat, la relation avec eux a tenu du grand écart et du grand éclat de rire !  Et avec cela, malgré sa massivité, rapide et sûr comme bien peu savent l’être. Que ce soit pour construire l’équilibre typographique d’une page, traduire un passage d’Augustin, vérifier une référence : page, éditeur, année de publication, plus scrupuleusement qu’un Mauriste patenté ! Ajoutez : trop myope pour voir un cèpe pousser son chapeau dans un sous-bois du Chambon-sur-Lignon, mais pas assez presbyte pour ne pas vitupérer contre l’oubli d’un cicero et la faute d’espace après le demi-cadratin !