Les défis moraux de la guerre asymétrique

LES TENTATIVES philosophiques et juridiques de définir les normes de la juste conduite de la guerre avaient pour toile de fond un type précis de guerre. Ces ensembles de normes sont censés régir la conduite des soldats dans des guerres où les armées — qui sont plus ou moins distinctes de leur environnement civil — s’affrontent sur un front plus ou moins défini. Mais certains conflits armés de la fin du XXe siècle et de ces dernières années ont changé la nature de la guerre, et des difficultés peuvent surgir lorsque l’on tente d’appliquer les principes de la guerre juste formés dans un contexte de conflits symétriques à une réalité profondément différente — celle de la guerre asymétrique. 

La guerre asymétrique se caractérise par la tentative d’un des acteurs du conflit de détruire deux éléments clefs de la guerre symétrique — l’uniforme et le front. La guerre symétrique est menée par deux forces qui se distinguent de leur environnement au moyen d’uniformes, et dans la plupart des cas au sein d’un espace défini que l’on nomme « le front ». La Guerre du Kippour de 1973, par exemple, consista en un affrontement relativement massif d’armées distinctes sur des fronts définis. Depuis les années 1990, Israël fait face à un nouveau type de lutte où l’adversaire non seulement ne se distingue plus de la population civile en portant un uniforme, mais fait tout ce qu’il peut pour brouiller la distinction entre combattants et non-combattants en établissant ses bases d’opération au cœur des villes et des villages où il opère. De la même manière, l’adversaire applique ce brouillage de la distinction soldat/civil à son égard en visant sans discriminer et de manière délibérée des cibles par essence civiles. En outre, la guerre asymétrique n’a pas de front délimité — ceux qui la font sont envoyés n’importe où et partout où le carnage est possible : bus, restaurants, campus, clubs, centres commerciaux, et même hôpitaux. La tentative de brouiller la distinction entre combattants et non-combattants dans les deux camps opposés et d’abroger le front vise à engendrer partout une guerre de tous contre tous. Ce type de guerre fait passer l’autre camp d’un état de peur maîtrisable à un état d’anxiété et de panique. Chaque étranger devient ainsi une menace, et une attaque peut se produire partout.