L'avenir de la démocratie

interrogé par Riccardo Benotti. 

R. B. — L’actualité politique européenne est dominée par la discussion sur la crise des systèmes politiques traditionnels et la progression des mouvements ou partis définis comme populistes ou souverainistes, qui invoquent une discontinuité profonde avec le passé. S’agit-il vraiment d’une rupture du système, et, dans ce cas, qu’est-ce qui s’est « rompu » ? 

G. T. — C’est certainement une crise profonde, une éruption politique, mais je ne crois pas que ce soit une crise du système. Je ne vois pas les signes du début d’un nouveau système politique. Je ne vois pas de nouvelle pensée politique ; je crains bien plutôt qu’on ne veuille faire durer la polémique anti-européenne le plus longtemps possible pour se renforcer au gouvernement, si l’on y est déjà, ou pour y parvenir. Ce qui est sûr, c’est que s’est définitivement rompu un rapport entre les institutions et les citoyens détérioré depuis longtemps. Le populisme est le symptôme, non la cause d’une crise plus profonde de confiance dans les vertus de la politique qui s’est définitivement « sécularisée » et a perdu tout caractère de sacralité. Désormais, les mécanismes de la consommation sont entrés jusque dans la politique, et le produit le plus facile est celui qu’offrent des leader influencer, c’est-à-dire des gens capables de se présenter comme « nous », de penser et de désirer des choses que nous connaissons déjà.