GARACHE

 

JAVAIS vu les tableaux de Garache il y a plusieurs années, lors d’une exposition collective organisée par la Galerie Maeght.

C’étaient sans exception des torses féminins : nus d’un rose à la fois subtil, agressif et déroutant. J’étais intrigué, puis captivé par cette peinture qui sans se lasser reprenait le même thème pour le réaliser dans le même ton rose, invariablement.

Peu à peu je pris conscience du sens profond de cette démarche dont depuis lors j’ai pu suivre l’incessante et graduelle progression.

Contrairement à la plupart des peintres pour qui le corps humain ne représente qu’une sollicitation parmi d’autres, devenant ainsi le support commode d’un pré-texte à peindre, Garache dès le départ soumet sa peinture à une finalité rigoureuse dont tous les moyens picturaux devront porter la charge.

Garache ne déforme pas le corps qu’il peint. Sa fac-ture est légère, toute en valeurs et en transparences sans « coup de patte », sans empâtements.

À travers le corps il révèle la nudité.

Mais au-delà de la nudité triomphante toute empreinte de cet « érotisme voilé » souhaité par Breton, je crois sentir une lente croissance.

Ainsi, à partir du centre rayonnant ou du torse, des poussées s’activent, devenant tour à tour bras ou jambe ou tête tachée de rouge. Tout se passe comme si cette peinture animée d’un étrange pouvoir travaillait par poussées successives à la reconstitution lente et progres-sive d’un corps unique.

En vue de quelle plénitude, de quelle réhabilitation glorieuse ?

Raoul UBAC.

Ce texte a paru en octobre 1972 dans le catalogue de l’exposition Garache organisée par la Galerie Régence — Michel Vokaer à Bruxelles.