LA CULTURE ENTRE CHIEN ET LOUP

 

QU’EN ce début de XXIe siècle la tradition humaniste de
culture soit en crise, difficile d’en douter : l’enseignement
dispensé par l’école tend à s’ajuster aux conditions de la
future activité professionnelle des étudiants ; le domaine du « culturel
» n’est plus qu’un secteur spécial de la production d’imageries
et de scenarii ; l’idée que la culture serait « formation des
esprits » — idée directrice de l’enseignement secondaire et supérieur
français jusqu’au seuil des années 60 — n’est plus guère
prise au sérieux.

À quoi cette crise tient-elle ? Il est courant de l’attribuer à l’influence
des philosophies dites « anti-humanistes », parmi lesquelles,
au premier chef, le structuralisme français des années 60.
Les attaques de ce dernier auraient eu pour effets, dit-on, de discréditer
les Humanités traditionnelles ; de promouvoir une
conception ethnologique de la culture ; d’encourager l’indistinction
entre haute culture et culture de masse. En somme, l’antihumanisme
structuraliste serait à l’origine du nivellement
contemporain.

Mais n’est-ce pas accorder aux théories plus de pouvoir
qu’elles n’ont ? L’état de l’enseignement des Lettres dans les
lycées des années 60 suggère une explication différente : manifestement,
l’anti-humanisme n’aurait pas été à ce point dévastateur
si les Humanités n’avaient déjà, scolairement et socialement, été
en crise — en raison principalement des transformations du système
d’enseignement secondaire français au début des années 60.
Et cette crise scolaire et sociale n’aurait pas fragilisé la position
institutionnelle de l’humanisme au point de le laisser sans
défenses face à ses adversaires, si l’idée humaniste n’était depuis
longtemps demeurée conceptuellement en friche. Ce sont les
deux points que développera cet article.

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