CE N’EST PAS EXACTEMENT UN JARDIN D’ENFANTS.


Traduit de l’italien par Christophe Carraud.


I.En poésie, on peut parler de tout.[1] Quand il s’agit de littérature, et en particulier de poésie, il est toujours dangereux de parler de « devoirs » de communication. Certes, la littérature communique. Et un écrivain, un artiste de la parole, a des capacités de communiquer développées. Mais dans le cas spécifique de la poésie contemporaine, ce qui importe est désormais de rompre avec certaines conventions stylistiques de type jargonnant, autoréférentiel, qui se sont établies à l’intérieur d’un cercle toujours plus restreint. Le fait que ce cercle soit depuis trop longtemps le seul public de la poésie, un public fait de gens qui écrivent ou veulent écrire de la poésie et de spécialistes, a étiolé ce genre littéraire.

La faiblesse, l’opacité communicative, l’obscurité ou, plus précisément, l’inconsistance sémantique de beaucoup de poèmes d’aujourd’hui viennent du fait que ce petit cercle de lecteurs fait semblant de comprendre, ou accepte le fait qu’on ne dise presque rien et qu’il n’y ait presque rien à comprendre.

Le paradoxe est le suivant : la fuite de la signification est acceptée dogmatiquement comme significative, et ainsi l’obscurité ne crée pas de frictions ni de problèmes de communication, mais au contraire les annule et passe par-dessus.



[1]Titre original : « Non è esattamente un asilo infantile », dans Poesia ’94. Annuario, a cura di Giorgio Manacorda, Roma, Castelvecchi, 1995, pp. 33-44.

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  • décembre 2011