CULTURE ET CIVILISATION

 

LA DIFFICULTÉ DE LA CONVERSATION tient parfois à ce que l’on use avec nous de mots dénués de sens, mais elle vient parfois de ce que les mots dont nous usons en ont plusieurs, entre lesquels on ne sait comment choisir.[1] Avouons d’ailleurs que si cette confusion les rend difficiles, elle n’est pas sans leur donner du charme. Si chaque mot n’avait qu’un sens, nos entretiens auraient l’austère laconisme d’un échange de formules scientifiques. On parlerait mieux, certes, mais peu et toujours pour instruire, rarement pour distraire, jamais pour charmer.

Qu’on le regrette ou non, nos langues n’ont pas cette rigueur et l’embarras redouble lorsqu’un même mot se retrouve dans deux d’entre elles, l’anglaise et la française par exemple. On est alors victime de ce qu’un philologue a si bien nommé « les faux amis » : ces mots qui nous invitent à croire que ce qu’ils signifient dans notre langue, ils le signifient aussi dans une autre. D’où des malentendus sans fin, comme on le vit en novembre 1945, lors de la conférence internationale qui se réunit

 


[1]Comme les textes inédits d’Étienne Gilson que nous avons publiés jusque-là, celui-ci est conservé sous forme tapuscrite (avec de rares corrections et ajouts manuscrits) aux Archives de l’University of St. Michael’s College à Toronto. Étienne Gilson a publié dans Le Monde, en 1946, des articles sur la philosophie de l’Unesco et sur l’éducation des Nations Unies ; il précise et développe ici sa pensée, dans les termes à la fois les plus clairs et les plus prophétiques. Nous remercions Mme Evelyn Collins, archiviste du St. Michael’s College, de nous avoir autorisés à publier ces pages.


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