EDWARD HOPPER, OU L’ANNONCIATION SUSPENDUE

 
Oui, ce sont là des Annonciations sans
théologie ni promesse, mais non sans un reste
d’espérance.
Yves Bonnefoy, « Edward Hopper : la
photosynthèse de l’Être », in Dessin, Couleur
et Lumière
, Mercure de France, 1995, p. 245.

 

LES PEINTURES D’EDWARD HOPPER se reconnaissent au premier coup d’oeil à l’atmosphère particulière qui en émane. Quelques mots reviennent sans cesse, lorsqu’il s’agit de décrire cette atmosphère : silence, vacuité, solitude, immobilité, inquiétante étrangeté du réel. De tels caractères peuvent, naturellement, être rapportés à la personnalité du peintre — homme de peu de mots, et sujet aux humeurs dépressives. La question essentielle, toutefois, est ailleurs : au-delà du simple choix des sujets, par quels moyens picturaux l’impression de silence, de vacuité, de solitude est-elle engendrée ? Il y a, immédiatement perceptible, la pauvreté en détails au sein de scènes banales appréhendées, de prime abord, comme réalistes — une pauvreté si accusée que le regard ne trouve, sur la toile, aucun endroit familier où se reposer. Par rapport à ce qu’il avait pu observer du monde, et relever dans ses dessins, Hopper « oblitérait » énormément dans son atelier, éliminant impitoyablement de son travail tout ce qui ne faisait « pas partie de ce qui concernait le plus [sa] vision».